Le 9 juillet dernier, Ayman Soliman s’est présenté, comme d’habitude, à un contrôle administratif de l’immigration. Quelques minutes plus tard, il se retrouvait menotté, direction la prison du comté de Butler, Ohio.
Mais Soliman n’est pas un inconnu. Pendant des années, cet aumônier musulman a été une figure discrète, mais importante du Cincinnati Children’s Hospital, auprès des familles d’enfants mourants ou gravement malades. Aujourd’hui, l’administration Trump veut le renvoyer en Égypte en l’accusant d’être un sympathisant terroriste – des accusations que ses avocats qualifient de « mensonges grossiers » et qu’ils assurent pouvoir réfuter. « S’il est renvoyé, il risque la mort », avertit son équipe juridique (Trump Wants to Deport a Children’s Hospital Chaplain to Egypt, Where He ‘Faces Death’).
À son arrivée derrière les barreaux, Ayman Soliman n’a pas cessé d’aider les autres. Il conseillait des codétenus, apportait un soutien spirituel. Des membres du personnel lui auraient même confié qu’ils aimeraient le voir revenir… comme aumônier officiel de la prison, s’il était libéré.
Puis, début août, tout bascule. Pour avoir prié avec d’autres détenus dans un espace commun, il est placé en isolement disciplinaire, parfois en cellule de confinement solitaire. La requête en habeas corpus déposée par ses avocats parle de « harcèlement ciblé » lié à sa pratique religieuse.
Entre le 2 et le 5 août selon la version officielle – six jours en réalité, selon ses proches —, Ayman Soliman vit dans une cellule étroite, privé de visites, avec des appels à son avocat limités à une seule heure, entre minuit et une heure du matin. Nourriture immangeable, impossibilité de commander à la cantine, interdiction de parler à travers la porte (Cincinnati imam moved to solitary confinement in Butler County, new lawsuit alleges).
L’isolement devait durer vingt jours. Il s’est arrêté plus tôt, après l’intervention discrète de plusieurs soutiens, dont le député démocrate Greg Landsman. Mais l’essentiel reste : pour ses défenseurs, cette affaire n’est pas un accident, c’est un symptôme.
L’avocat Robert Ratliff prévient : « Si l’ICE et le DHS peuvent retirer l’asile de quelqu’un sur des accusations non prouvées, sans contrôle des tribunaux, cela peut arriver à n’importe qui. » L’affaire Soliman illustre, selon lui, l’extension d’un pouvoir administratif sans garde-fous, porté par une rhétorique de “guerre contre le terrorisme” appliquée aux immigrants légaux.
En un mois, la machine migratoire trumpiste a déjà coûté cher : santé mentale détruite, réputation salie, vie suspendue. Ayman Soliman lui-même résume sa situation à un ami : « C’est comme s’ils voulaient me torturer pour que je parte, plutôt que me battre pour rester. »
Pour ses proches, son cas est un test grandeur nature de ce que peut devenir le système migratoire américain si ces pratiques se généralisent. Et un avertissement : si cela arrive à un aumônier respecté, cela peut arriver à n’importe qui.
No Refuge in a System Built on Repression: Free Imam Soliman