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Droits de douane : l’ingénieur du chaos

Le titre du livre de Giuliano da Empoli les ingénieurs du chaos s’applique si bien à la politique des droits de douane mise en œuvre depuis le 20 janvier, jour de son investiture. “President McKinley made our country very rich through tariffs” avait alors expliqué Donald Trump. La politique tarifaire de McKinley a culminé avec un protectionnisme extrême (Dingley Act), mais son évolution tardive vers le libre-échange partiel marque le début d’un glissement idéologique. McKinley, le plus emblématique des protectionnistes du XIXe siècle, aura fini ses jours en plaidant pour un commerce plus ouvert – un revirement inachevé, préfigurant les débats du XXe siècle sur le commerce mondial.

Une chose est de croire à l’efficacité des droits de douane, une autre est de les appliquer à bon escient et dans un but précis. L’administration Trump applique moins une politique commerciale qu’un choc systématique, transformant les tariffs en armes de coercition improvisées, au risque de rompre l’équilibre diplomatique et économique mondial. Sans mentionner les revirements incessants depuis son entrée dans le bureau ovale. Le point d’orgue de cette politique commerciale étant le 2 avril, le Liberation Day, où le président à partagé au monde sa science pour déterminer le montant des droits de douane que devraient payer presque tous les pays de monde.

Janvier – La rafale inaugurale

  • 20 janvier : Dès son retour à la Maison-Blanche, Trump impose des tarifs de 25 % sur le Canada et le Mexique.
  • 26 janvier : Tarifs soudains sur la Colombie (25 %, puis 50 %), retirés quelques heures plus tard après une annonce confuse d’accord.
  • 1er février : Tarifs élargis à presque tous les produits du Canada et du Mexique (25 %), et à la Chine (10 %).
  • 4 février : Tarifs chinois mis en application, entraînant des contre-mesures immédiates de Pékin.
  • 7 février : Trump annonce des “tarifs réciproques” sans préciser de cibles.
  • 10-14 février : Réactivation de tarifs sur l’acier/aluminium (25 %), puis menace sur les voitures étrangères, annoncée avec une blague sur le 1er avril.
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Mars – Escalade et volte-face

  • 4 mars : Tarifs sur Canada, Mexique et Chine officiellement appliqués. Riposte canadienne immédiate.
  • 5-6 mars : Recul partiel sur les voitures après la pression des constructeurs US ; Trump affirme que cela n’a “rien à voir avec les marchés”.
  • 10-13 mars : Chine et Canada répliquent à leur tour. Trump menace de nouveaux tarifs (jusqu’à 200 %) sur les vins européens.
  • 24-27 mars : Tarifs sur le pétrole vénézuélien, nouveaux tarifs sur le cuivre envisagés.

Avril – Chaos maximal

  • 2 avril : Tarif universel de 10 %, sauf exceptions déjà tarifées (résultant en des hausses bien supérieures).
  • 9 avril : Entrée en vigueur des tarifs massifs (jusqu’à 104 % sur la Chine, 46 % sur le Vietnam…).
  • 9 avril au soir : Revirement complet — tous les tarifs ramenés à 10 %… sauf pour la Chine, qui se voit infliger 125 %, puis 145 % le 10 avril.
  • 11-13 avril : Recul sur les tarifs électroniques (smartphones, puces…) puis retour en arrière : ces exemptions deviennent “temporaires”.

Mai – Simulacre de diplomatie

  • 8 mai : Accord préliminaire avec le Royaume-Uni.
  • 12 mai : Désescalade tarifaire avec la Chine (de 145 % à 30 %).
  • 23-30 mai : Nouvelle menace contre l’UE (50 %), puis délai accordé jusqu’au 9 juillet. Trump double les tarifs sur l’acier.

Juillet – Menaces globales, accords improvisés

  • 2 juillet : Accord avec le Vietnam, incluant des clauses ciblant indirectement la Chine.
  • 9 juillet : Lettres envoyées à 21 pays annonçant des tarifs allant de 20 % à 70 % à partir du 1er août.
  • 11-14 juillet : Trump relance des menaces contre l’UE et le Mexique alors que des accords semblaient proches.
  • 16-27 juillet : Accords séparés conclus à la hâte avec l’Indonésie, le Japon, puis l’Union européenne.

Ce déferlement d’annonces, souvent contradictoires ou rétractées en moins de 24h s’inscrit dans une stratégie de joueur d’échecs visionnaire qui voit quinze coups à l’avance. Ils expliqueront qu’elle est calculée pour maintenir l’incertitude, déstabiliser les marchés et placer les partenaires étrangers dans une posture défensive constante.

En fait, elle court-circuite toute forme de négociation structurée ; les diplomates sont systématiquement pris de court par des posts sur les réseaux sociaux ; génère une pression intérieure incontrôlable : inflation, instabilité industrielle, confusion chez les multinationales américaines ; favorise le rapport de force brut plutôt que les règles du commerce international, détruisant les cadres multilatéraux. Mais elle s’inscrit bien dans le “I, alone, can fix it” si chère au 47e président des États-Unis.

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