La semaine dernière, la Federal Trade Commission a publié un communiqué qu’elle avait « voté le classement sans suite (sans préjudice) d’une plainte fondée sur le Robinson-Patman Act (RPA) contre PepsiCo, qui avait été déposée auprès du tribunal fédéral du district sud de New York. Cette plainte, autorisée le 17 janvier 2025, accusait Pepsi d’avoir violé l’article 5 du Federal Trade Commission Act ainsi que certains articles du RPA, qui interdisent les pratiques de discrimination tarifaire, notamment en accordant à certains clients privilégiés des paiements indirects sous forme de réductions ou de services.
Voté par le Congrès en 1936 sous l’administration Roosevelt, le Robinson-Patnam Act est une loi antitrust qui vise a protéger la concurrence loyale en interdisant certaines formes de discrimination tarifaire. Plus près de chez nous, la loi du prix unique du livre, dite loi Lang, a bien permis de sauver les centaines de librairies en France face aux grandes chaînes de distribution.
Globalement, cette loi interdit à un fournisseur de vendre un même produit à des prix différents à différents acheteurs, lorsque cela porte atteinte à la concurrence et d’accorder des avantages spéciaux (comme des remises, des rabais, des services promotionnels ou logistiques) à certains clients, sans les offrir de manière équivalente à d’autres clients qui achètent dans des conditions similaires.
Les objectifs sont simples : protéger les petits et moyens commerçants contre le pouvoir de négociation des grands acheteurs (comme Walmart, Amazon, etc.).
Cette loi est restée peu appliquée depuis les années 1980 (c’est-à-dire l’ère Reagan qui vantait pourtant les mérites de la libre concurrence et de l’économie de marché) mais elle a été réactivée sous l’ère Biden avec la présidente Lina Khan.
La justification du nouveau président de la FTC, Andrew Ferguson, est typique de l’administration : elle doit s’accompagner systématiquement d’une critique de la précédente administration : “The Biden-Harris FTC rushed to authorize this case just three days before President Trump’s inauguration in a nakedly political effort to commit this administration to pursuing little more than a hunch that Pepsi had violated the law. Taxpayer dollars should not be used for legally dubious partisan stunts. The FTC’s outstanding staff will instead get back to work protecting consumers and ensuring a fair and competitive business environment.”
Affirmer que la FTC s’est précipitée à lancer cette action est à l’évidence fausse puisqu’elle avait lancé une investigation sur les pratiques commerciales de PepsiCo depuis deux ans. Dans l’édition du 26 mai de sa newsletter Monopoly Round-up (Trump Antitrust Enforcers Kick Small Business In the Teeth), Matt Stoller critique largement cette décision de la Federal Trade Commission (FTC), sous l’administration Trump, de retirer une plainte contre Pepsi (et indirectement Walmart) qui portait sur des pratiques de discrimination tarifaire au détriment des petits commerçants. Cette plainte, fondée sur le Robinson-Patman Act (RPA) – une loi censée protéger les petites entreprises contre les abus de pouvoir d’achat des grands groupes – accusait Pepsi d’offrir des conditions tarifaires préférentielles à Walmart, comme des remises ou des promotions non accessibles aux petits distributeurs.
“The key reason that main street America died in the 1980s, and that small businesses are struggling today, is a tactic known as “price discrimination,” which is when buyers and sellers charge higher prices to the little guy because they can. Doing that used to be illegal, and there’s a law on the books – the Robinson-Patman Act (RPA) – that was known as the “Magna Carta of small business” precisely because it made this practice unlawful”.
L’enquête avait été initiée sous l’administration Biden-Harris, avec la présidente Lina Khan et le commissaire Alvaro Bedoya cherchant à réactiver le RPA, appuyés par des groupes conservateurs et ruraux. Pourtant, le nouveau président de la FTC, Andrew Ferguson, a abruptement abandonné l’affaire, invoquant un manque de preuves et dénonçant une démarche « politisée » de ses prédécesseurs.
Sur ce thème de la concurrence, des groupes démocrates et républicains peuvent se retrouver. Il peut également réunir des acteurs différents comme les petits commerçants, des associations rurales, des juristes progressistes et des conservateurs critiques du pouvoir des monopoles. Mais, apparemment, les républicains MAGA préfèrent le capitalisme de connivence et le pouvoir des oligarques. Le rapprochement des géants de la tech et de l’administration Trump en un symbole assez marquant.
“In the 1980s, the government stopped enforcing the RPA. And it is not an understatement to say this administrative deregulation drove the rise of Walmart, Amazon, Office Depot, and private equity, as well as the loss of grocery stores, pharmacists, and medical practices in rural and poor areas. It is also likely why there was such massive inflation during Covid, and why Walmart is able to use tariffs to its advantage” poursuit Matt Stoller.
Cette décision de retrait a des implications importantes sur la concurrence et l’économie de marché. Elle entraîne un affaiblissement de la concurrence équitable et laisse la voie libre à des logiques de concentration et de domination par l’achat, renforçant les oligopoles. Elle marginalise les petits acteurs qui sont désavantagés par les logiques de volume et les accords préférentiels. Cela affaiblit le tissu économique local, en particulier en zones rurales. À l’inverse, elle favorise l’avènement d’une économie dans laquelle quelques oligopoles dominent les différents secteurs.
Cette décision de la FTC incarne un moment charnière : soit les États-Unis persistent dans une logique de favoritisme envers les grandes entreprises, soit ils renouent avec l’esprit du capitalisme concurrentiel et équitable. Le revirement de l’administration Trump, malgré une rhétorique anti-élite, semble consolider le pouvoir des très grandes entreprises au détriment des acteurs économiques régionaux et/ou de taille moyenne. Si l’administration Trump souhaite vraiment défendre les classes moyennes et les populations oubliées, elle devra prouver que son soutien va aux petites entreprises et non aux conglomérats qui les étranglent. Ce n’est apparemment pas le cas.